Comment protéger les objets industriels connectés, souvent déployés sans aucune sécurité native, face à des menaces toujours plus sophistiquées ? C’est la question à laquelle Aymen a consacré plusieurs années de recherche dans le cadre de sa thèse : « Towards Intelligent and Lightweight Security and Privacy Solutions for Industrial IoT Systems« . Son travail, à la croisée de la cybersécurité, de l’intelligence artificielle collaborative et même de l’informatique quantique, a donné naissance à des solutions inédites pour renforcer la résilience des systèmes industriels. Dans cette interview, il revient sur ses motivations, ses contributions majeures et sa vision de l’avenir de la cybersécurité dans l’industrie 5.0.
Q1. Qu’est-ce qui t’a motivé à choisir le sujet de la cybersécurité de l’IIoT pour ta thèse et peux-tu nous en donner les grandes lignes ?
J’ai choisi ce sujet car la majorité des objets industriels connectés ne sont pas conçus avec la sécurité en tête. Ces équipements « off-the-shelf » sont vulnérables aux attaques. Mon travail a consisté à développer des solutions adaptées à ces environnements contraints, en commençant par des mécanismes de défense légers contre les attaques DDoS, puis en allant vers des approches d’apprentissage collaboratif et même quantique pour anticiper les menaces futures.
Q2. Parmi tes quatre contributions (IDS stochastique, pipeline adaptatif, Split Federated Learning, Quantum-SFL), laquelle te semble la plus prometteuse pour une application concrète à court terme ?
Le Split Federated Learning me semble le plus prometteur. Il a été pensé dès le départ pour s’adapter aux contraintes de l’IIoT : faible puissance de calcul, besoins de confidentialité et communication limitée. De plus, il peut s’intégrer facilement dans des architectures industrielles existantes, sans tout réinventer.
Q3. Quels ont été les plus grands défis que tu as rencontrés au cours de tes recherches, et comment les as-tu surmontés ?
Le plus grand défi était de concilier sécurité, performance et contraintes matérielles. Les IIoT n’ont pas les ressources pour exécuter de lourds modèles. J’ai surmonté cela en concevant des architectures hybrides, qui répartissent l’intelligence entre les appareils et les serveurs.
Q4. Comment vois-tu l’évolution de la cybersécurité dans l’industrie 5.0 et le rôle que pourraient jouer tes travaux dans ce contexte ?
Dans l’industrie 5.0, les systèmes seront ultra-connectés, autonomes et collaboratifs. La cybersécurité devra être intégrée dès la conception. Mes travaux peuvent servir de base pour construire des solutions distribuées, respectueuses de la confidentialité et capables d’évoluer face aux nouvelles menaces, y compris à l’ère quantique.
Q5. Si tu devais donner un conseil à un futur doctorant en cybersécurité, quel serait-il ?
Ne pas se limiter à la théorie. Tester en conditions proches du réel et toujours garder en tête l’équilibre entre innovation et applicabilité.
Q6. Comment tes recherches ont-elles été influencées par la collaboration avec l’entreprise (CIFRE) ?
La collaboration m’a permis de garder un ancrage pratique. L’entreprise m’a exposé aux contraintes réelles des systèmes industriels : budgets limités, ressources matérielles faibles, et besoin de solutions rapides à déployer. Cela a orienté mes choix vers des approches plus pragmatiques, tout en gardant une dimension scientifique forte.
Conclusion
De la défense contre les attaques DDoS aux approches de Split Federated Learning et jusqu’aux pistes offertes par le quantique, les recherches d’Aymen ne se limitent pas à la théorie : elles ouvrent la voie à des applications concrètes, pensées pour les contraintes réelles des environnements industriels. Sa thèse illustre parfaitement la capacité d’un chercheur à transformer des défis technologiques complexes en solutions pragmatiques et innovantes. Une expertise qui, demain, pourrait bien redéfinir la manière dont nous concevons la cybersécurité à l’ère de l’industrie 5.0.